C’est comme cela depuis quelque temps… cette sorte de mélancolie qui m’entraîne, une sorte de lassitude qui m’envahit. Cette vie si pleine et si riche, qui demande tellement. Les injonctions du travail, de la famille, des courses, des factures qui me poussent parfois à rechercher l’idéal, la perfection illusoire.
Alors, dans ces moments où je me perds et prends conscience de ce système complexe qu’est ma vie, de cette constellation et de ces amours que je chéris tant, je me laisse partir dans cet instant suspendu à des rêveries et je me mets à nu. Ma sensibilité, exacerbée, prend une ampleur peu commune et je me retrouve submergé, comme pris dans le rouleau d’une vague qui s’écrase sur la plage. Je perçois plus finement les choses et me retrouve à vif, comme si mon âme pouvait ressentir les vibrations les plus subtiles. Les émotions deviennent alors amples, rondelettes et plus intenses encore. Je vis pleinement dans cet état qui me rend mon humanité, qui me pousse dans mon intériorité.
C’est dans ces moments que les séparations, les deuils, les fins de cycles deviennent plus difficiles, plus pesants et il n’est jamais évident, lorsque l’on se retrouve à nu, de vivre cette séparation à laquelle on ne s’attendait pas, cet éloignement tellement difficile, car imposé par nos existences, le job ou les autres relations. Parler de séparations, c’est parler de la fin, de la mort, du vide… mais est-ce vraiment présent, existe-t-il véritablement la fin de tout ? Un vide sidéral qui n’est que néant ? Je n’y crois pas…
Alors, une fois de plus, je m’en remets à cette nature qui nous apprend tant, c’est elle qui nous permet de nous connecter à nos cycles naturels, si loin de nos vies matérielles et fermées. Cette approche me ramène à l’océan, au sable, aux vagues et à cette douce chanson qui me parvient aux oreilles quand j’y songe.
Alors le parallèle me frappe dans son évidence.

La vague, fruit d’une multitude de synchronicités, combinaison parfaite de divers éléments qui la compose, nait, vit et meurt dans un merveilleux chant.
Tout comme nos rencontres, la vague se forme et se déploie, elle gagne en intensité et génère cette force peu commune, elle augmente en taille, en présence et en puissance. Alors elle devient ronde, douce, elle crée un paysage merveilleux qui parfois donne naissance à une belle photo, une peinture majestueuse. Puis elle s’écrase avec toute son énergie, rencontrant alors la terre, l’autre élément.
Cette opposition entre solide et liquide, entre dynamique et statique est une rencontre de haute intensité, où l’instant si fort se transforme rapidement en une caresse de cette langue d’eau qui monte sur le sable, caressant les millions de grains et de petits cailloux.
Lorsque la vague se retire, cette caresse, c’est la séparation, l’éloignement pour un temps de l’être aimé, de cette merveilleuse personne avec qui il est si doux d’être et de partager.
L’océan nous rappelle ce moment de flottement qui existe lors de la séparation, cette amertume de la fin, de cette distance qui s’opère. On se met au volant, on prend le train ou le bus, on est envahi par la présence de l’autre qui n’est plus là, il y a encore le parfum et les saveurs. Ce sont là les milliards de molécules d’eau encore présentes lorsque la vague se retire et qui s’éloignent, attendant le prochain cycle, la prochaine puissante vague, qui ne sera jamais la même, car unique et singulière.
Ce qui ne change pas, c’est cette sensation de caresse et la tendresse que je ressens qui m’envahit ce soir où je la laisse à sa vie, à ses occupations et ses autres amours. Cette sensation de ne plus être, pour quelque temps, cette personne organisée et disciplinée qui me convient pour grandir et m’accomplir quotidiennement. Retrouvant l’âme sensible que j’ai au fond de moi.
L’instant de séparation, de deuil, n’est ni plus ni moins que le mouvement perpétuel des vagues de l’océan. Mouvement immuable de la vie, de l’existence, nous sommes tous dans cette énergie qui se déploie et qui caresse, l’espace de quelques instants, nos âmes pensives et embaumées de ces parfums. Pour y voir la magie de l’existence, il suffit de se focaliser sur cet instant précieux. Inutile de dire que la vague était belle ou de se focaliser sur la prochaine… Appréciez ce que l’océan offre à la plage, approchez-vous avec conscience de cette belle caresse qui se retire, de cet instant sublime de la rencontre et de la séparation.
La vague, c’est la quittance de la rencontre, c’est la conscience que quelque chose était là, moment unique et précieux.
Comments